"Pourquoi Projet Fashion n'arrivera pas à la cheville de Top Chef"
Mais aussi, "Pourquoi Top Chef ça pourrait être vachement mieux"...
La semaine dernière j’ai regardé l’émission Projet Fashion
parce que je voulais en discuter avec vous et parce que j’ai un a priori
positif sur ce genre concours, quand ils sont bien fichus comme Top-chef, effectivement
(cf. l'article d’Alicia BIRR, pour Slate, lien ci-dessus) et comme Nouvelle star, aussi, qui me plonge à chaque fois dans
d’interminables considérations philosophiques autour de ce qui relève de l’acquis
ou de l’inné (le talent, le don… les deux ?)…
Il est évident que ce qui fait l’intérêt d’une émission
comme Top Chef, c’est la très grande qualité de l’encadrement professionnel -et
de la créativité qu’inspirent les règles du concours d’une manière générale. En tant qu’artiste
professionnel et enseignant à de jeunes talents (vous...), cela me parle
bien. Pour ces deux émissions, la qualité ainsi (et surtout) que les nombreux parrainages reconnus du monde de
la gastronomie et du show-business leur ont donné une
sorte de crédibilité artistique. Et puis les candidats (particulièrement de TopChef) n'ont pas l'impression de se griller dans le milieu en participant à un concours télévisé. Enfin, avouons-le, le concept fonctionne
plutôt bien à la télé, qui n’est qu’un média de masse parmi d’autres.
Quoi qu’il en soit, comme l’auteure de l’article de Slate, j’ai
été plutôt déçu par Projet Fashion -voire même un peu gêné, au début. Déjà,
effectivement, le thème était trop facile, trop prévisible, trop cheap.
Tout de même, un candidat a assuré malgré tous les mauvais
choix de la prod’ : j’ai été soufflé par la robe en dentelle de silicone de Matias. Les conditions du concours étaient un peu pushy et stressantes (D8 oblige), mais c’était
LA bonne idée, j’ai adoré, tout, le rendu, la texture, le tombant et l’élasticité
du vêtement sur le modèle qui défilait, c’était élégant, aérien, cheap et chic (et
tel quel, presque importable aussi ;)
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggESELHuSi8Skd2cLsJg0O87-Kcijx3iOSlX_5qnfIvfJCZJ-w7rtomH74vPvz9yna1VUvtx3Hqycv2vOBus0Gea874GAorgunV5JK9EjJxSlkDqM0zjVHVLpDd2QmiZfmEozSUtOe0fg/s1600/matias_robe_sikicone.jpg)
En voilà enfin un qui a eu une entrée « matière »
plutôt que « modèle » dans son projet et il me semble que c’est exactement
ce qu’il faut faire dans ce genre de concours, je n’arrête pas de le crier aux
mecs quand je regarde Top chef : « arrêtez de penser « recette » ;
pensez « produit », merde ! » Dans Projet fashion, la
plupart se sont dit « Je vais faire un modèle en utilisant (whatever :
des bouts de tableaux, une bâche plastique, du raffia…) » et il y en a un
qui s’est dit « je vais faire de la dentelle avec un pistolet à silicone »…
Voilà, à la limite, je me fiche du modèle, ce peut être une robe, un
accessoire, un napperon… c’est la matière (et ici, en plus, l’idée géniale) qui
importe ; ensuite, il suffit de coller à la consigne : « Vous
voulez une robe de cocktail? Ok, faisons une robe de cocktail en dentelle de
silicone! »… (Enfin, je dis « il suffit de coller à la consigne »… encore faut-il
maîtriser les fondamentaux de la couture et des volumes et avoir le temps de bien le faire...)
C’est la même chose dans Top chef, on demande aux cuisiniers
de faire des plats de haute gastronomie à base de... pain, ou de pâtes, et les mecs
se disent « tiens, je vais faire une variation autour du pain perdu »…
ou encore « tiens, un gâteau de pâte », ou « des sashimis !
», ou « une soupe de pain »… Rares sont ceux qui ont une « approche
produit » et qui se demandent DE PRIME ABORD comment inventer
un truc nouveau (ou bizarre, à la limite) simplement à partir du produit de la
consigne… Pourtant, une fois qu’on a fait ses chips de cannellonis soufflés,
par exemple (c'était l'idée géniale de Linguini -pardon, de Martin...), soit un produit nouveau et original, il sera toujours temps de se
demander comment accompagner le produit… Les candidats sont tous des cuisiniers
confirmés, cela ne devrait pas poser trop de problèmes (sauf craquage, bien
entendu... D'ailleurs le Martin de TopChef ne devait pas avoir son petit rat sous sa toque parce qu'il a gâché son idée et personne dans le jury ne les as remarqués, ses cannellonis soufflés…).
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiCkUgHRToxJKDzeZE9-EhDHyMmX8iDc8E34vBwzV_Wo7FIe9_i50XZL74F9qG7A500XC4hQ6jm_nAdjtA81nbZmeJ1bge46hgP_8nvkvMhYjK1sPgh0VQJrhnssW7r_4hdpnit6jsWawU/s1600/Ratatouille_ver2_xlg.jpg)
Ce qui est super difficile à trouver, à mon avis dans un tel concours, c’est
l’idée géniale (et immédiate, surtout), parce que si on est un bon cuisinier ou
un bon couturier, qu’on maîtrise ses saveurs, ses textures, ses techniques et
ses assaisonnements, c’est la conclusion ET l’idée géniale sur un ou deux produits qui fera le
plat d’exception, plutôt que l’excellente réalisation de la recette qui, seule,
fera plutôt un grand plat (ce qui est déjà très bien, certes, mais qui ne fait pas des
victoires inoubliables).
Peut-être que la télévision mainstream
pourra proposer de la télé de qualité sur la mode lorsque la majorité des gens saura « autant différencier la soie, le crêpe de Chine, la charmeuse et
la georgette qu'une aubergine et un topinambourg »… Dixit Mme Birr.
Autrement dit, avoir
une vraie approche « matière » haut de gamme, selon moi.